jeudi 16 juin 2011

Des belles choses

Depuis que je suis professeur de français, à chaque fois qu'un interlocuteur, professionnel de l'éducation ou pas, essaie de me renvoyer au cliché du professeur d'orthographe et de grammaire, je réponds invariablement que je m'efforce d'être un "professeur de belles choses".
C'est sans nul doute le premier fondement de mon engagement, mon ambition comme dit la pub du Ministère : je suis en face de mes élèves pour essayer, autant que faire se peut, de leur donner à rencontrer des œuvres. Ce que j'appelle des belles choses.  Et je crois pouvoir me vanter de n'avoir jamais rien lâché sur la qualité.
Depuis quelques temps, j'ai un peu affiné, car nous vivons des heures sombres où la précision et la nuance sont importantes à défendre dans chaque détail de la définition des valeurs à incarner. Donc, désormais, je me décris volontiers comme une "entremetteuse en belles choses".
Cette définition de ce qui me pousse à agir professionnellement va profondément à l'encontre de l'air du temps, pour plusieurs raisons.
D'abord, et avec beaucoup de naïveté, d'aucuns attendent de nous autres, professeurs de français, que nous sachions communiquer "le goût de lire". Soyons clair : cela me parait une tâche impossible, improbable, même, d'une certaine façon. Un professeur peut tout au plus proposer des rencontres, mais la rencontre a lieu entre un texte et un élève, ou pas, et on n'y peut pas grand chose, sur le fond. Si la rencontre a lieu, ce n'est plus notre histoire de prof mais cela devient une étape du parcours de l'élève, des élèves. Entremetteuse, donc, proposant la possibilité d'une relation avec "les belles choses". Ce sont les élèves qui, librement, engagent, ou pas, cette relation.
Par ailleurs, depuis quelques temps, je suis sensée être devenue (j'aurai l'occasion d'y revenir) professeur de "compétences" spécialisée dans la "maitrise de la langue française". Or, le professeur de grammaire, d'orthographe, de lecture de textes informatifs, et d'expression orale, ce professeur n'a pas besoin des belles choses. Son métier n'est pas a priori de défendre une "certaine idée de la culture". La logique des compétences, sans s'opposer fondamentalement à la mise en relation de belles œuvres avec des élèves de tous poils et de tous crins, n'exige pas, de fait, que j'investisse beaucoup pour cet enjeu qualitatif.
J'aurais à être simplement professeur d'orthographe et de grammaire, au mieux.
Ce n'est pas ce que j'ai choisi. Ce n'est pas l'éthique qui me guide.
Mon métier : entremetteuse en belles choses, avant tout. 

1 commentaire:

  1. Thomas Corneille16 juin 2011 à 22:39

    Dis, Irima, comment on fait pour avoir le Label Belles Choses (TM) ? On t'envoie un dossier ?

    Je fais en ce moment mes derniers cours. Les conseils de classe sont loin derrière. Il reste trois élèves en classe d'accueil (dont deux qui y restent l'an prochain, ils viennent d'arriver), on parle de chats ; il en reste deux en seconde, on parle de "Badine", ils ont des étoiles dans les yeux.

    J'aime ça.

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