mardi 23 février 2016

De l'arbre à Palabres



C'était pourtant une journée dure, entamée depuis déjà belle lurette. Il n'était même pas encore midi. En plus, je venais de me faire griller la priorité au photocopieur et j'avais perdu plus de dix minutes à attendre mon tour. Du coup, j'avais dû monter mes sujets pour le labo de langue à l'arrache. Je déteste faire les choses à l'arrache. Et il me restait juste le temps de passer à mon casier avant le cours suivant vérifier s'il ne s'y trouverait pas quelque mauvaise nouvelle.
L'ambiance n'était pas franchement à l'enthousiasme.

Une grande enveloppe blanche, avec l'adresse manuscrite, à l'encre rose. J'ai tout de suite compris. J'ai tout de suite souri.

Je l'avais à peine décachetée quand j'ai vu arriver la jolie petite M., comme toujours cachée derrière son minuscule sourire, son grand rideau de cheveux bruns et son immense voile de timidité. Elle traversait ce long et large couloir sans le moindre recoin d'ombre où s'abriter. Je n'ai pas hésité.
"Venez donc voir ce que je viens de trouver dans mon casier ! Attention ! C'est en avant-première ! ".
Elle a vu la grande enveloppe blanche, elle a vu l'adresse manuscrite, à l'encre rose. Elle aussi, elle a tout de suite compris. Et elle a tout de suite souri.
" Oh ! en plus, il y a une photo ! "
M. avait ôté son gigantesque voile de timidité.
Envolé.
Pfuit.
Magique.

Après, j'avais cours, avec la classe de M.
Juste le temps pour faire 30 photocopies avant de rejoindre la salle 3 : je n'ai pas hésité.

En début d'heure, j'ai dû commencer par des informations générales, pas forcément agréables (je ne me souviens même plus lesquelles). Cela a donné le temps aux plus retardataires de mes trente pioupious d'arriver.

Alors j'ai sorti la grande enveloppe blanche, avec l'adresse manuscrite, à l'encre rose. Ils ont tout de suite compris. ils ont tout de suite souri.

ça a fait "Oh ! "
Alors j'ai distribué.
Ils étaient tous très émus.
C'était Noël sans Père Noël et sans sapin.
C'était Noël en février.
C'était beau !
Il y a eu un grand vent d'enthousiasme à la vue des signatures (leurs vraies de vraies écritures ! ) et de la photo.
Et puis il y a eu, encore renouvelée, cette étonnante qualité du silence et de l'écoute, quand j'ai lu la lettre.

Mention toute spéciale pour T.
T. c'est l'élève du fond de la classe, celui qui laisse toujours un rang, une table, une chaise entre lui et le reste du monde ; celui qui ne participe jamais : celui qui fait la tête. L'élève en colère. Grosse colère.
Aujourd'hui, T., je l'ai vu sourire.
Je n'ai rien dit, j'ai même fait semblant de ne pas relever.
Avant les vacances, T. avait écrit un très beau poème. Et lui qui rend toujours tout en retard, ou jamais, m'avait fait parvenir son poème assez tôt pour que je puisse le faire suivre.
T. souriait parce qu'il sait que son poème figure sur le site.
Aujourd'hui, M. a rangé sa timidité, T. souriait. Et tout le monde écoutait.

C'est rien, et c'est tout.

Ensuite, après le silence d'après la lettre qui est encore la lettre : "Mais, Madame, est-ce qu'on pourra encore leur répondre ?"

Il a fallu être raisonnable, rappeler l'urgence du bac qui arrive droit sur eux, rappeler qu'on ne pourra plus y consacrer trop de temps de cours.
Il a fallu aussi proposer une idée.
Je ne pouvais pas leur dire non.
Impossible.
Alors on va construire aux petits vieux de de Mme M.-D. une réponse à notre manière, qui nous fera aussi un beau cadeau à nous.
Mais silence. C'est une surprise !
Merci Mme M.-D., encore merci : ce projet, c'est un beau projet, et c'est un immense cadeau que tu nous fais ! Merci.
Pour en savoir plus sur ce si joli projet, c'est par ici : l'arbre à palabres

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