mercredi 22 juillet 2015

de ma boulangère et des vacances

Ma boulangère est une dame qui sourit à certains clients privilégiés et vend du très bon pain à tous.
La plupart du temps, j'essaie de ne pas avoir de conversations trop sérieuses avec elle parce que ça m'a pris des mois pour qu'elle accepte de me sourire, que le pain qu'elle vend est vraiment bon et que je n'aimerais pas me découvrir une raison du genre idéologique pour ne plus financer son activité.
J'ai déjà eu ce problème avec le poissonnier , le buraliste et la dame de la confiserie. Or, je tiens à favoriser l'activité locale plutôt que celle de la centrale d'achats du gros supermarché de la zone d'activités.
Du coup, j'ai appris à faire attention à certains sujets de conversation.
Et puis, début juillet, l'accident.
Ma boulangère me reçoit avec un grand sourire et s'exclame : "Ah, ah, ah ! En vacances, hein !"
Je n'ai pas pu me priver de lui dire que, ben non, pas en vacances, non : encore sur le bac, convoquée le 10 juillet.
Et ça l'a fait bien marrer, ma boulangère, que je sois encore à trimer : "Hu ! hu ! enfin, après, elles vont être longues, les vacances ! " Nous étions à la limite du clin d’œil.
"Je reprends plus tôt, cette année : le 28." [Mais pourquoi ai-je dis ça ? Pourquoi ?!]
"Le 28 ?! Le 28 août ! "
Voilà.
Trop de vacances.
Et bien celle-là, ça faisait bien longtemps que je n'y avais pas eu droit ! depuis les vacances de printemps, en fait. 
Je suis restée à peu près calme et digne. J'ai ramassé mon pain, ma monnaie et lui ai souhaité plus ou moins une bonne journée. Et je ne lui ai pas dit ce que j'aurais pu lui dire au sujet du fameux privilège des "vacances" parce que cela ne sert à rien.
Face au refrain habituel du "Les-profs-ça-fiche-rien-c'est-tout-le-temps-en-vacances", je m'efforce de ne jamais rien répondre, et même de ne pas essayer d'entendre.
Il suffit d'avoir un prof dans son entourage pour savoir tout ce que ce discours a de stupide.

Sur le fond, je pense que je travaille trop.
Beaucoup trop pour ce que je suis payée, notamment.

Il vaut donc mieux que je me taise face aux petits commerçants. 

Je préfèrerais presque leur parler du leur, de travail. Celui de ma boulangère, par exemple, est vraiment dur. Il faut passer des heures à sourire, refaire sans cesse les mêmes gestes : ranger, vendre, sourire, compter la monnaie, supporter tous les grincheux, tous. Et finir sa journée par le ménage de la boutique, et la comptabilité.
Le sien est répétitif.
Le sien ne s'interrompt que deux fois dans l'année.
Le sien est, en plus, dépendant de celui de son mari. Si pour quelque raison que ce soit, le pain devenait moins bon, elle en subirait directement les conséquences sans rien pouvoir y faire.
Je suis d'accord avec elle, complètement : je n'aurais pas pu faire boulangère et je préfère largement mon métier.

Mon métier  n'est pas moins dur que le sien. Il l'est différemment.
Il a exigé de moi beaucoup de sacrifices (longues études, concours difficiles et exigeants, obligation d'aller construire mon existence très loin de chez moi, début de carrière dans les pires postes et dans une région que j'ai vraiment détesté) et exige encore beaucoup d'efforts (obligation de s'adapter sans cesse à de nouvelles tâches et de nouveaux publics ;  obligation de se tenir au courant de l'actualité de la recherche dans mon domaine de compétences ;  travail tous les soirs, tous les weekends et pendant les vacances ;  perspectives d'évolutions réduites à peu de choses, notamment sur le plan salarial), mais ça valait la peine.

Et ça la vaut encore.

Sur ce, je retourne à mes lectures pour la rentrée.
Elle a raison, la boulangère : c'est chouette, les vacances.

1 commentaire:

  1. Je compatis... Moi je passe mon temps à rappeler à ceux qui m'en parlent qu'on n'est pas réellement payés pendant les grandes vacances, que l'argent qui nous est versé n'est en fait que les 11e et 12e parts de notre salaire annuel réel... qui lui est compté sur dix mois de travail! Et que pour notre niveau d'étude, ce salaire est loin de faire envie!

    On leur dit aussi que sans ces très longues vacances l'économie du tourisme français serait en péril et que c'est justement les commerçants et professionnels du tourisme qui sont les plus vives oppositions au raccourcissement des vacances?

    Sur ce... moi aussi je retourne à mes lectures et mes "recherches" (certes agréables car elles me passionnent) après tout un prof d'histoire et de géo qui parle d'autres pays et de monuments historiques qu'il a vus c'est plus intéressant que quelqu'un qui ne sait pas de quoi il parle... Parce que le terrain ça compte aussi en histoire et en géo, on nous dit bien de faire expérimenter les élèves et de varier les supports!
    Un prof d'histoire qui ne visite par de monuments, à mes yeux c'est un peu comme un prof de lettres qui n'aurait pas lu l'œuvre qu'il fait étudier à ses élèves...

    Je vais donc trier mes photos de voyage et préparer mes diaporamas sur les monuments et paysages du programme que j'ai visités, et ensuite, on redevient sérieux, je remets le nez dans les bouquins (en histoire géo, le terrain ne fait pas tout non plus!)... D'ailleurs, pendant ce voyage, j'ai croisé au moins trois fois des profs, en solo ou en groupe, dont certains étaient en stage pour faire de repérage en vue des futurs voyages scolaires de l'année à venir... Même en vacances, le boulot n'est jamais loin!

    Bonnes lectures et bonnes vacances!

    Mathilde.

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